E. M. Cioran., Bocetos de vértigo
E.M Cioran, « Ebauches de vertige »
Un peu de vitriol en littérature
Ce petit opuscule « Ebauche de vertige » est extrait de l’œuvre « écartèlement ». On y trouve, pour 2 euros, toute une concaténation de pensées vitriolées, acides mais pertinentes. Je n’avais jamais lu Cioran, je dois le confesser. Cela dit, je ne me suis pas retrouvé en terre inconnue. Les spectres de Nietzsche, de Pascal, de Schopenhaeur, de Montaigne même, en un sens, voire de Pessoa hantent cette écriture sans concession et désabusée. Comme revenu de tout, de toutes les idéologies, de toutes les promesses de la pensée, du progrès, Cioran, tel le dément dont nous parle Nietzsche dans le « Gai Savoir » et qui clame la mort de Dieu à des hommes qui n’en veulent et n’en peuvent encore rien savoir, Cioran, donc, annonce et professe l’absurdité de l’existence, pointe la folie humaine et expose ses pensées les plus noires, comme pour exorciser la folie des hommes à travers la sienne propre, allant jusqu’à écrire : « Dès qu’on sort dans la rue, à la vue des gens, extermination est le premier mot qui vient à l’esprit ». En ces temps où la littérature, dans sa modalité philosophique j’entends, se fait un peu fade et où les livres critiques émoussent leurs pointes pour ne pas trop blesser ce qui les fait vivre en dernière instance, où les textes qui se veulent des attaques frontales ne sont en réalité que des adhésions biaisées, je pense qu’il est plus que sain, nécessaire même, de lire ces auteurs, dont Cioran fait partie assurément, qui ne prêtent allégeance à rien et qui plongent leurs calames dans l’encre noire de leurs pensées désanchantées. Je m’attacherais donc, pour ma part, à lire les ouvrages de Cioran qui promettent une lecture et une réflexion soutenues, et je vous invite à faire de même afin que vos paupières, que la société, inconsciemment, s’évertue à tenir closes, se dessillent et pour que le monde, tel qu’il est, s’offre à nos regards, à notre intelligence déflorée et à notre action authentique. Avant de vous quitter, je vous laisse en avant goût, ce petit aphorisme Ciorannien : « Quand un seul chien se met à aboyer à une ombre, dix mille chiens en font une réalité. » et Cioran rajoute : « A mettre en épigraphe à tout commentaire sur les idéologies. ». Voilà qui donne à penser, car si nos idéologies sont des ombres et que nous ne faisons qu’adhérer par mimétisme pavlovien alors nous ne sommes que des esclaves à l’image des prisonniers de la caverne de Platon…mais reste à savoir de quelle réalité l’ombre est elle l’ombre…voilà ce qui reste à penser…
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